R. Ritze, Mazze,1890
Véritable ancêtre de la pétition populaire, la matza est un tronc d’arbre que l’on arrachait et déplaçait de village en village dans le Haut-Valais (Suisse) dès la fin du XVè siècle afin de mobiliser les habitants autour d’une cause commune. Une fois convaincus, ces derniers plantaient alors un clou dans le tronc en signe de ralliement.
MATZA, NAILS OF DEMOCRACY
Matza est le nom général d’une série de projets artistiques qui s’intéresse au territoire comme espace d’affirmation collective et d’émancipation politique. Il s’inspire de la mazze, un instrument issu de la tradition populaire haut-valaisanne, véritable outil de démocratie directe au service de la communauté. Prenant la forme d’un tronc d’arbre à tête humaine, la mazze est soulevée dès le XVe siècle en signe de rébellion du peuple. Elle est brandie la première fois en 1494 par la population locale contre le pouvoir épiscopal de Sion. La mazze est alors dressée contre le tyran désigné et exposée sur la place publique. Les habitants, enjoints à se fédérer et se révolter, y plantent un clou en signe de ralliement.
Au delà du rôle politique qu’elle a joué dans l’histoire du Haut-Valais, la mazze revêt une forte dimension symbolique à jamais liée à l’identité de la population valaisanne. Elle est révélatrice de la détermination d’une communauté à se défendre et prendre en main son destin. L’histoire sociale, économique et politique du Valais est ainsi faite de ces éléments singuliers et de ces procédés inventifs qui mettent en lumière la vivacité d’une communauté, ses profonds liens de solidarité et son attachement à un territoire et ses ressources.
Matza souhaite confronter l’expérience valaisanne, avec ses forces et ses faiblesses, au contexte contemporain et aux enjeux de nos sociétés modernes. Les mécanismes globaux, affranchis des barrières géographiques, ont chamboulé les repères physiques et politiques. Ils ont modifié en profondeur les relations des citoyens à leur territoire, leur terre et leur culture dont certains se sentent désormais dessaisis. Face à un monde en mouvement, ces éléments de repère s’estompent, faisant place à autant de désarroi que de confusion. L’espace, en tant que bien partagé, devient dans ces conditions l’objet de tension et de repli identitaire. Matza prend le contre-pied de ce constat pour repenser la terre comme espace d’émancipation et d’affirmation.
A travers les récits d’une pratique aussi rudimentaire qu’affirmée, c’est de la capacité d’une population à décider de son organisation sociale et spatiale dont il est question, tout comme de sa générosité et de sa capacité d’adaptation. La mazze devient dès lors l’emblème d’une forme d’autodétermination créative et d’une volonté de faire face aux enjeux de nos sociétés.
Matza n’a ni forme pré-établie ni lieu d’ancrage en particulier. C’est un manifeste, un trait d’union entre l’art, l’individu et son environnement pour révéler leurs potentiels. En partant de l’histoire d’une communauté, de ses pratiques et de ses codes, Matza trace les contours d’une nouvelle architecture politique…